Calle de General Mola

Queipo de Llano, l’arbre qui cache la forêt

Dans son dernier article, la Coordination Caminar signale le premier effet de la mise en application de la nouvelle Loi de Mémoire Démocratique. Dans ce papier, la Coordination met en avant l’article de la loi qui demande le déplacement vers les cimetières de toutes les dépouilles des criminels franquistes qui peuplent les édifices religieux et les monuments dans lesquels pourraient être organisées des exaltations de l’idéologie national-catholique. Un autre sujet mis à l’ordre du jour par cette loi concerne le traitement des plaques de rues, avenues, places et autres lieux qui honorent la mémoire de ces criminels. Ici commence la forêt des plaques de rue que doit abattre l’Espagne. 

A la suite de la victoire des Alliés et sous leur pression, les gouvernements qui se sont installés dans l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, la France pétainiste et dans d’autres pays européens, ont effacé toute trace nazie et fasciste de leur odonymie. l’Espagne, pour sa part et parce que le franquisme a perduré jusqu’en 1975, a attendu la timide Loi de Mémoire Historique de 2007 pour commencer à éliminer quelques plaques considérées comme un affront à la mémoire démocratique. Si les grandes villes, à l’occasion de l’arrivée d’une majorité municipale progressiste, ont pu changer certaines plaques et symboles, le mouvement s’est difficilement étendu aux petites et moyennes agglomérations. Pour tenter d’expliquer ce fait, des sociologues et des historiens pointent le fait que la société espagnole a subi un véritable lavage de cerveau pendant la période franquiste et se poursuit de nos jours. Peu nombreux sont les citoyens espagnols qui sont au fait de leur histoire des 80 dernières années. Cette méconnaissance est alimentée par l’attitude ultraconservatrice des partis de centre, de droite et d’extrême-droite. Bon nombre de leurs responsables et de leurs électeurs sont encore lourdement imprégnés par la rhétorique franquiste. A noter que seules les rues du Pays Basque et des Iles Baléares sont exemptes de références franquistes.

Il n’est pas possible de traiter exhaustivement le sujet des noms de rues dans cet article. Le nombre d’Espagnols qui ont servi ou se sont servis de ce régime anti-démocratique est tellement important que nous nous limiterons à passer en revue quelques personnages associés aux crimes de masse commis au début de la guerre d’Espagne.

Les plus grands dignitaires de la dictature franquiste sont bien évidemment des militaires. Pour avoir une idée approximative du nombre de rues qui leur sont encore consacrées, il suffit de faire une simple recherche sur Internet. Les sites de cartographie routière offrent un bon moyen pour afficher les noms des rues en fonction de leur catégorie, calle, avenida, plaza, … L’utilisation de la version espagnole du site du fleuron français de fabrication de pneumatiques nous éclaire sur la persistance du franquisme dans le callejero español. Restreint à une dizaine de réponses maximum, le moteur de recherche affiche le début de la liste des voies de communication portant le nom de la personne recherchée. Toutefois, ce moteur de recherche (comme tous les autres tels Google Maps, Google Earth, Bing Maps, Mappy, OpenStreetMap ou encore les logiciels pour les GPS), n’est pas forcément à jour.

Commençons l’énumération par le général Emilio Mola. Il est surnommé « El Director », c’est-à-dire l’organisateur du soulèvement fasciste de juillet 1936, jusqu’à sa « providentielle » mort lors d’un accident d’avion, ce qui a permis à Franco de prendre la tête des nationaux-catholiques. Le terme utilisé pour la recherche est « general Mola ».

  • Réponses, entre parenthèses figure le parti politique aux commandes de la municipalité : Avila (XAV ex PP), Madrid (PP), A Coruña (PSOE), Villarrubia de Santiago (PSOE), Mazarambroz (PSOE), Miguel Esteban (PP), Cádiz (Adelante Cádiz, gauche), Zaragoza (PP), El Palmar (Cs), El Real (munic. Murcia, PSOE), Lobosillo (munic. Murcia, PSOE), León (PSOE), Tinajeros (munic. Albacete PSOE), Argamasón (munic. Albacete PSOE), Palencia (Cs), Los Belones (PP), Ourense (Democracia Ourensana, droite), …

Vient ensuite celui qui a donné son nom à l’idéologie ultraconservatrice, et qui a gouverné l’Espagne d’une main de fer de 1939 à 1975, le général Francisco Franco.

  • Réponses pour « Generalísimo » : Villares del Saz (PSOE), Valdelaguna (?), Nava de Arévalo (PP), Tordómar (PP), Poza de la Sal (PSOE), Corvera de Toranzo (Partido Regionalista de Cantabria), Olias (munic. Malaga PP), Trobajo del Cerecedo (munic. León, PSOE), Leon (PSOE), Tinajeros (munic. Albacete PSOE), Vicolozano (XAV ex PP), Avila (XAV ex PP), Cartagena (PP), San Lucar de Barrameda (PSOE), Alcantarilla (munic. Murcia, PSOE), Don Benito (PSOE), La Aguilera (munic. Quintana del pidió, PP), Puerto de la Cruz (PSOE), Casas de la Peña (munic. Villarrobledo, PP), …
  • Réponses pour « general Franco » : Alar del Rey (Cs), Albelda de Iregua (PP), Villalobón (PP),  Madrid (PP), Badajoz (Cs), Marbella (PP), Palencia (Cs), Villalba (PSOE), Silleda (PSOE), Ortigueira (?), Peñafiel (PP), La Corte (munic. Lugo, PSOE), …
  • Réponses pour « Francisco Franco » : San Javier (PP), Tapia de Casariego (PSOE), Cofita (munic. Fonz, PSOE), Lobosillo (munic. Murcia, PSOE), Palencia (Cs), El Bonillo (PSOE), … Réponses pour les cités qui contiennent l’occurrence « Caudillo » : Llanos del caudillo (PP), Alberche del caudillo (PP). Dans cette catégorie, le moteur affiche encore une bonne dizaine d’autres villes qui ont fait l’effort de supprimer la référence à « Caudillo » comme Guadiana, Guadiamar, Teitar, Bardenas, …

Nous pourrions allonger la liste des plaques de rues avec les militaires suivants :

  • Le général Gonzalo Queipo de Llano qui a conduit le coup d’État à Séville ;
  • Le général José Moscardó qui s’est enfermé dans l’Alcazar de Tolède ;
  • Le général José Sanjurjo qui est un récidiviste. Déjà, en 1932, il fomente une tentative avortée de coup d’Etat contre la République, et est l’un des organisateurs du coup d’État du 18 juillet 1936 ;
  • Le général José Enrique Varela qui a échoué dans son attaque contre Madrid en 1936, et qui devient ministre de l’Armée une fois la guerre d’Espagne terminée ;
  • Le général José Millán Astray, fondateur de la Légion, qui « s’illustre » en hurlant « ¡Mueran los intelectuales! » ou, selon les versions, « ¡Muera la inteligencia! », ainsi que « ¡Viva la muerte! » lors du dernier discours politique de Miguel de Unamuno ;
  • Le General Juan Yagüe Blanco, le « Boucher de Badajoz ».

Sont toujours présents dans les rues espagnoles des patronymes de personnages civils tels que :

  • Ramiro Ledesma Ramos, l’un des fondateurs des Juntas de Offensiva Nacional-Sindicalista (JONS), qui a ensuite fusionné avec la Falange.
  • José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la Falange.

ou des institutions comme la Falange, la Division Azul, …

Toutes ces références à des noms de personnages ou d’institutions impliquées de près ou de loin aux crimes franquistes vont-elles souiller les rues espagnoles encore longtemps ?

Publié par MER 47
Mémoire de l’Espagne Républicaine
de Lot-et-Garonne

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