CHARTE DE COOPERATION
entre organisations mémorielles
des descendants et amis des exilés
de l’Espagne Républicaine
Nous sommes descendants et amis des exilés de l’Espagne Républicaine qui furent contraints de quitter leur pays à l’issue de la guerre déclenchée par le coup d’Etat militaire du 18 juillet 1936 perpétré par l’Espagne réactionnaire pour mettre à bas la jeune République, ses premières réformes et briser le mouvement révolutionnaire.
Toutefois, le fait d’être descendants de réfugiés espagnols ne saurait servir d’argument d’autorité pour nous prétendre détenteurs d’une histoire qui serait soi-disant « authentique et vraie ».
Nous nous sommes regroupés en France dans de multiples associations (culturelles et/ou mémorielles) pour tenter de nous réapproprier les éléments épars de notre Mémoire et de notre Histoire, en ayant recours aux témoignages, aux archives, aux documents historiques et aux travaux d’historiens.
Nos Mémoires, comme les Histoires des combattants anti- franquistes sont plurielles. Leurs engagements idéologiques les ont parfois conduits à s’affronter. La relation et l’interprétation des circonstances historiques de cette période nous opposent nous-mêmes aussi parfois, mais l’exil nous inscrit dans un large destin commun et nous entendons, aujourd’hui, tenter de rassembler ceux qui aspirent à défendre les idéaux d’égalité, de fraternité, de liberté et d’émancipation sociale pour lesquels une partie du peuple espagnol a courageusement combattu jusqu’ici, en France, dans l’exil, contre l’occupant nazi et ses collaborateurs et pour le retour de la démocratie en Espagne.
C’est à partir de nos regards croisés et de notre capacité à en faire un matériau vivant chargé d’avenir et d’espoir que nos réflexions sur cette mémoire commune joueront un rôle profondément politique.
Certaines de nos associations échangent déjà des informations et mènent des actions communes autour de lieux de mémoire. Cette coopération s’établit aussi parfois de part et d’autre des Pyrénées, comme cela a été le cas avec le soutien apporté au combat du juge Baltasar Garzón pour lequel nous nous sommes retrouvés aux côtés d’organisations espagnoles de réappropriation de la Mémoire et de l’Histoire (Recuperación de la Memoria Histórica).
Pour poursuivre le combat de la Mémoire de l’Exil espagnol, nous nous informerons et nous coopérerons de manière plus étroite dans le respect de l’identité et de l’autonomie de chacune de nos associations.
L’approche historique de la Seconde République, de la Guerre d’Espagne, de la Révolution sociale et des expériences auto- gestionnaires réalisées pendant cette période, des luttes contre le fascisme (en France et en Espagne), l’étude de l’intense vie politique et culturelle de l’Exil et la bataille pour une véritable récupération de la mémoire historique en Espagne peuvent être l’occasion de débats intenses, bouillonnants et contradictoires. Nous nous engageons à les assumer dans le respect mutuel.
Les historiens et les chercheurs sont nos alliés objectifs. Avec eux le dialogue est indispensable : ils s’enrichissent de notre travail mémoriel. Ils appliquent les règles méthodologiques et éthiques de leur discipline et sont les premiers à savoir que tout état des connaissances effectué à un moment donné peut être précisé, nuancé ou complété ultérieurement en fonction de sources nouvellement disponibles, de travaux plus récents ou d’approches différentes.
Nous rejetons une vision partisane de l’Histoire et acceptons de recevoir leurs analyses sur des événements mis à jour de manière rigoureuse, documentée et scientifique.
Le dialogue est nécessaire et utile, pour les uns comme pour les autres : les « militants de la Mémoire » de l’Espagne républicaine se battent pour défendre des valeurs tandis que les historiens travaillent à rendre le passé intelligible.
Nous voulons instaurer et développer une coopération sous des formes diverses :
- Nous tenir informés de nos initiatives respectiv
- Eviter « la mise en concurrence », en harmonisant nos calendriers chaque fois que cela sera poss
- Coordonner nos actions pour les rendre plus efficaces et plus vis
- Partager les contacts établis à l’occasion de nos manifestations, les informations, les documents (publications, films, expositions, etc.).
- Adopter des positions communes ou initier des actions concertées chaque fois qu’il sera nécessaire de dénoncer telle ou telle dérive contraire à la vérité historique.
- Développer les échanges inter-associatifs afin de tenter d’aider les familles dans la recherche de leurs parents disparus.
- Poursuivre l’entretien, la découverte et / ou la réappropriation des lieux de mémoi
- Développer les échanges transfrontaliers en sensibilisant l’éducation nationale, les professeurs, les universitaires à l’existence des lieux de Mémoires historiques et en valorisant la formation citoyenne qu’ils représentent pour les jeunes, de part et d’autre des Pyrénées.
- Contribuer à la promotion des créations artistiques et littéraires qui évoquent l’Exil espagnol. L’art est irremplaçable pour faire entrer l’histoire dans le domaine public.
- Soutenir les actions menées en Espagne pour la réappropriation de la Mémoire historique et pour que Vérité, Justice et Réparation soient rendues aux victimes et disparus.
- Défendre le droit à la dignité des victimes du franquisme. Appuyer les démarches initiées en Espagne et dans le monde pour faire condamner les crimes contre l’humanité perpétrés par le régime franquiste.
- Demeurer vigilants et nous opposer à toute réécriture falsificatrice de l’Histoire de la Seconde République, de la Guerre d’Espagne, de la révolution sociale et de l’Exil espagnol.
- Perpétuer la mémoire des Brigades internationales et de tous « les volontaires de la Liberté » accourus des cinq continents pour défendre la jeune République Espagnole.
La coordination de nos efforts et la mutualisation de nos moyens, nous apporteront davantage de crédibilité auprès des institutions locales, départementales, nationales. Elles faciliteront les actions communes appelées à se développer dans un cadre transfrontalier. En donnant de la voix à la Mémoire de l’Espagne républicaine, elle produira davantage d’écho.
Les principes retenus dans cette charte et cette volonté de travailler à des projets communs ne doivent impliquer en aucun cas une unité d’action obligatoire et systématique. En toutes circonstances, chaque association reste indépendante et totalement libre de ses décisions.
Nous exprimons notre profond soutien aux mouvements initiés depuis quelques années en Espagne par les familles des victimes du franquisme et leurs descendants qui œuvrent aujourd’hui avec les nouvelles générations, à l’instauration d’une troisième République en Espagne.
Ainsi, nous continuerons à faire vivre les valeurs toujours actuelles qu’ils ont défendues avec le soutien et la solidarité de tous ceux qui, « con España en el corazón » ont lutté à leurs côtés pour le pain et la liberté.
Libertad, Justicia y Solidaridad !