Jean Ortiz

Jean ORTIZ rend hommage aux Républicains et antifascistes espagnols

A PAU, Jean ORTIZ rend hommage aux Républicains et antifascistes espagnols

Notre campagne pour une rue destinée aux Républicains espagnols à Pau, dans le quartier « ghetto rouge » où ils vivaient, Le Hédas, nous a conduits à enrichir notre niveau en occitan ! La municipalité a lâché le tiers d’une rue importante : (comte) de Guiche. Nous inaugurons donc un « bout » de rue aux Républicains, un bout « un troç », mais une victoire, et un symbole. Un bout de rue, certes… mais il n’y a pas de petite victoire sur le chemin des peuples… « Reposez en paix camarades… Nous sommes là pour rappeler qui vous étiez »

Cultiver la mémoire des peuples, c’est résister au présent

C’est sortir du récit victimaire, c’est faire vivre, aujourd’hui, les valeurs de cette 2ième République espagnole, si modérée mais si insupportable aux nantis, qui y perdaient quelques privilèges. Les riches organisèrent la revanche sociale, exécutèrent méthodiquement, systématiquement, un plan « d’épuration », d’extermination… afin d’écraser définitivement l’Espagne des prolétaires, des ouvriers agricoles, anarchistes, socialistes, communistes, azagnistes »,« négrinistes », des Basques, des Catalans, qui, avec la République gagnèrent leur statut d’autonomie.

Face à cet « holocauste » (Paul Preston), revendiquons les mots, les concepts que les fascistes espagnols ont enterré, avec plus de 130.000 républicains « disparus »… fusillés et encore entassés dans des fosses communes de l’oubli imposé, des enfants volés par les « vainqueurs de la croisade », des prisonniers politiques esclaves qui bâtirent l’insultante Basilique-mausolée célébrant au Valle de los Caídos la victoire franquiste… 

Commémorer c’est rendre le passé éclairant pour le présent, pour les travailleurs, les sans papiers, les exclus, les « sans rien », les migrants,  les exploités,  rappeler les « camps de la honte », Barcarès, Argelès, Gurs…, l’infâme accueil des nôtres par la Troisième République, sous le statut « d’indésirables » Daladier se lança dans la chasse aux « mauvais étrangers ». IL FAUT LE RAPPELER SANS CESSE : LES ENJEUX DE MEMOIRE SONT POLITIQUES. La « défaite » fut un choix de classe des élites. Mieux valait Franco que les « rouges ».

C’est cela commémorer, contextualiser les conflits, éclairer leurs causes, leurs enjeux, leurs protagonistes, au-delà des rituels commémoratifs, le plus souvent vides de contenu politique.

Ces rituels peuvent désarmer la mémoire populaire, l’instrumentaliser, la neutraliser… Par exemple en oubliant que c’est parce que le « golpe » a échoué qu’il y a eu guerre. Ou en « patriotisant » les guérilleros espagnols. Ces derniers menaient un combat antifasciste, par internationalisme, avec pour priorité la reconquête de leur pays, des libertés, mais aussi de leurs avancées sociales, sociétales, certes insuffisantes mais considérables pour l’époque.

Je crois finalement qu’être fils (fille) ou petit-fils (fille) de républicain, d’antifasciste espagnol, cela se gagne, en prolongeant aujourd’hui les combats libérateurs d’hier. Alors, ¡¡Palante !! 

Je crois qu’être né de l’exil républicain doit conduire à lutter pour la Troisième République, à refuser une monarchie illégitime tant qu’il n’y aura pas eu de référendum, une République plurielle, sociale, fédérale, anticapitaliste…

 Les Républicains espagnols ont vécu de profondes déchirures dans leur propre camp, mais ils étaient tous pour ce qu’ils appelaient la « révolution », les changements sociaux, culturels, démocratiques, profonds.

 Jamais les Républicains ne se rendirent. En Béarn, au-dessus de Louvie-Juzon, à Pédéhourat, ils constituèrent le premier MAQUIS de la région (« chantier-maquis fin 1942 »). La Dixième Brigade de guérilleros UNE-FFI s’y installa, camouflée en charbonniers et bûcherons.

Malgré la défiance, l’exil républicain très politisé, s’intégra, majoritairement, par le travail et le sang versé, mais toujours le regard tourné vers l’Espagne. Après la Guerre, il féconda le bâtiment, les TP, mais aussi l’enseignement, les arts, les langues, l’espadrille, le syndicalisme… Beaucoup pensaient l’exil provisoire : mais une nouvelle fois, le « monde libre » choisit Franco.

 Commémorer, quelles que soient les difficultés , c’est considérer que le chemin compte autant que l’étoile. 

Les « révisionnistes » accusent les antifascistes d’être aussi coupables de la violence que les franquistes. Ils renvoient ainsi dos-à-dos victimes et bourreaux, avec leur « tous coupables » ignoble. Ils ânonnent les lieux communs de l’histoire officielle franquista.

C’est parce qu’il n’y a pas eu totalement ruptura avec le franquisme que les nostalgiques, encore soutenus par les « piliers » de la société, l’Eglise, la Banque, les monopoles, l’armée…

  • bloquent par exemple la reconversion du fasciste Valle de los Caídos en lieu de mémoire démocratique,
  • bloquent la recherche des 130.000 disparus, républicains jetés dans des fosses communes, etc.

 En terminant, je voudrais rappeler, non pas pour la gloriole, mais par les temps qui courent, il est bon de répéter que les « maquis » espagnols sont nés plusieurs mois avant ceux de leurs frères français, que les premiers résistants furent des « étrangers », que les guérilleros espagnols n’attendirent pas le « Jour J » l’arme au pied ; (prenons par exemple l’embuscade espagnole à des aviateurs nazis du PONT-LONG, le 29 janvier 1944, qui provoqua l’ire de la Résistance française).

Ils pratiquèrent contre Hitler, Franco et Vichy le harcèlement permanent, ils ne luttaient pas seulement pour la « liberté », mais aussi pour « la révolution ». Il ne saurait y avoir de liberté pleine et entière tant que les besoins des peuples seront sacrifiés sur l’autel de la finance. 

Alors oui, la nostalgie reste bien un rêve d’avenir.

 ¡¡ P’alante compañeros !!
¡ A por la Tercera !

Jean ORTIZ
Fils de Républicain et Guérillero Espagnol
Maître de Conférences Honoraire de l’Université de Pau

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