Pau

Pau : Rue des Républicains Espagnols en Béarn

A Pau, une rue des Républicains Espagnols en Béarn vient d’être inaugurée. C’est une victoire contre l’oubli. L’oubli de la seconde République espagnole, fauchée par des généraux dont la seule idée que le peuple espagnol puisse s’éduquer, s’exprimer librement, s’affranchir du carcan imposé par les forces ultra conservatrices était un scandale. nous reproduisons, ci-après, le texte de la prise de parole de José Garcia, vice-président de notre coordination, à l’occasion de cet événement.

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« C’est peu de dire que c’est un honneur pour moi que d’être ici parmi vous, à l’occasion de l’inauguration de la « Rue des Républicains Espagnols en Béarn ».

C’est au nom de la coordination d’associations Caminar qu’aujourd’hui je m’exprime. Caminar, ce sont 17 associations mémorielles regroupées en son sein, représentant environ 1000 adhérents et 3000 sympathisants répartis sur tout l’hexagone.

Donner un nom en relation avec les Républicains espagnols nous touche profondément et constitue un acte de reconnaissance et de réhabilitation de ce que fut le combat de nos parents et grands-parents. Nous voulons leur donner la place qu’ils méritent dans l’Histoire de l’Espagne et dans leur histoire commune avec la France, pendant la période sombre de l’Occupation.

       Nos parents n’étaient ni « la canalla roja » comme disait le dictateur, ni « la racaille rouge » pour l’extrême droite française. Ils étaient démocrates, centristes, radicaux, socialistes, communistes, anarchistes. En fait, ils étaient tout simplement des combattants de la Liberté, des combattants antifascistes.

Pendant quarante ans en Espagne, la Mémoire n’a eu qu’un seul camp : celui des vainqueurs qui célébraient leurs morts dans une débauche mémorielle grandiloquente et unilatérale. La défaite républicaine de la seconde république était insuffisante aux vainqueurs qui ont contraint les vaincus à l’humiliation de l’oubli, à faire vivre l’Espagne dans une sorte d’hémiplégie mémorielle, une mémoire sélective et discriminatoire.

Le silence qui avait eu raison de tous pendant 40 ans en Espagne, a perduré une fois la démocratie installée et consolidée. La Mémoire républicaine qui semblait n’être qu’un droit est devenue une bataille. Nous devons prendre part à ce combat, nous, descendants de Républicains espagnols… en mémoire de nos parents et grands-parents, sans haine, sans esprit de revanche mais avec une triple exigence : Vérité, Justice et Réparation.

Plus de 43 ans après, nous, descendants de républicains, attendons encore que les différents gouvernements depuis 1975, se donnent les moyens juridiques et financiers afin que les familles puissent récupérer leurs corps !

La terre d’Espagne doit encore livrer à leurs familles tous les corps des Républicains qui ont été jetés dans les fosses franquistes. Il faut rendre à ces morts la Justice et la Dignité auxquelles ils ont droit.

C’est insouteble ! C’est inadmissible ! 

Oui, mesdames et messieurs, chers amis, notre combat est, plus que jamais, de tous les jours afin que l’histoire ne se répète pas.

Ces républicains espagnols qui traversèrent la frontière en 1939, on les appelait les immigrés. Aujourd’hui, les milliers de personnes qui traversent les océans pour fuir la guerre, la famine – et parmi elles combien sont mortes noyées ? – on les appelle les migrants, avec une connotation de dédain.

Non, ils ne viennent pas manger le pain des français ou des européens, ils fuient très souvent une dictature, comme l’on fait nos parents, nos grands-parents.

Beaucoup de ceux qui avaient passé la frontière en cet hiver très rigoureux de février 1939, ne pensaient qu’à une chose : combattre auprès des résistants français pour éliminer le fascisme pour ensuite retourner en Espagne, leur pays, où ils avaient pour beaucoup, dû fuir en laissant leur famille, femme, enfants, parents au village.

C’était partir ou rester et être assassiné.

Mesdames, messieurs, personne ne quitte jamais son pays dans ces moments-là par plaisir.

Personne ne fuit son pays, sa patrie pour aller dans un pays étranger sur un coup de tête.

Si nous n’y faisons pas attention, l’histoire risque de se répéter. La peste brune est là, à nos portes, et n’attend que cela.

Dans son poème Pueblos Libres ! Y España ?, Rafael ALBERTI  évoque ce peuple espagnol une nouvelle fois trahi et abandonné :

“ Llego la paz. Y todos los caminos son de regreso para el hombre.
Canta la semilla en los surcos matutinos, el sol, de los escombros se levanta.
Paz a la mar, los cielos y la tierra !
Y al español, destierro, carcel, guerra.  “
La paix est là. Et tous les chemins sont pour l’homme chemins de retour.
La graine chante au petit matin dans les sillons, le soleil surgit parmi les décombres.
Paix à la mer, aux cieux et à la terre !
Mais pour l’Espagnol : exil, prison, guerre.

 Aujourd’hui encore, 80 ans après, contrairement à ce qui s’est passé ici en France, à la Libération, la légalité républicaine n’a pas été rétablie en Espagne et jamais le peuple espagnol n’a été consulté pour exprimer un choix entre République et monarchie.

Aujourd’hui encore en Espagne, les crimes contre l’humanité franquistes n’ont pas été sanctionnés, la justice et la réparation ne sont pas d’actualité pour les victimes et leurs familles malgré les recommandations de l’O.N.U. et des institutions internationales.

Récemment, avec le nouveau chef de gouvernement Pedro Sanchez, une initiative a été prise de « délocaliser » le dictateur qui était jusque-là au Valle de los Caidos. Sa famille proche et sa famille politique veulent le transférer, à la cathédrale de la Almudena, en plein centre de Madrid ! Il est hors de question pour les associations mémorielles tant espagnoles que française, que ce criminel soit enterré dans un endroit public, à quelques mètres de la Place d’Orient, là où la dictature organisait les actes d’exaltation du régime. Quelle humiliation pour les milliers de victimes du franquisme, leur famille, et pour la société. Pas question que ce lieu devienne un centre de pèlerinage des nostalgiques du franquisme !

Une manifestation organisée par les associations mémorielles espagnoles s’est déroulée jeudi dernier à la Puerta del Sol pour dire au Président du Conseil, à la Maire de Madrid, mais aussi à l’archevêque de Madrid : Ni Valle, ni Almudena !

Quel contraste avec aujourd’hui, l’inauguration de cette rue des Républicains espagnols en Béarn !

Même s’il a fallu attendre 80 ans.

Mesdames et messieurs, 80 ans c’est long, très long, trop long.

Viva la republica !
A por la tercera ! »

José GARCIA MENDEZ
Petit-fils de républicain espagnol
Vice-président de CAMINAR

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