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JOURNÉES CAMINAR 2014 – lutte pour la mémoire historique de l’exil républicain

Retranscription de l’intervention d’Alberto GARCIA BILBAO

Chers collègues et amis,

Je souhaitais en premier lieu vous exprimer ma gratitude pour votre invitation à participer à ces journées. Je vous demanderai aussi de vous montrer bienveillant car mon niveau de français n’est pas aussi bon que je le souhaiterai.

Mais pour communiquer, seule compte la volonté de le faire. Je sais d’ores et déjà que nous partageons celle-ci, j’ai donc confiance dans le fait que vous me comprendrez.

Aujourd’hui est une date importante, aujourd’hui vous pensez conclure des accords de collaboration entre les organisations sociales citoyennes engagées dans la défense des valeurs républicaines et cela constitue un évènement majeur. La lutte pour la mémoire historique de l’exil républicain n’est pas étrangère aux luttes actuelles engagées pour une société plus juste et solidaire. Elle ne peut ni ne doit être envisagée comme un sujet d’histoire mais bien comme un combat actuel. En Espagne dans le cadre de la fédération nous défendons le concept d’une continuité de la mémoire. C’est ce fil conducteur qui unit les différentes luttes sociales à travers les générations. Ce fil qui nous permet de nous reconnaître en ceux qu’il y a longtemps rêvèrent d’un autre possible et qui ont su construire à force d’efforts et de sacrifices des espaces de liberté et de solidarité qui aujourd’hui sont menacés.

C’est un fil conducteur essentiel, tant il nous aide à nous orienter, à ne pas faire table rase des erreurs du passé et d’affronter les problèmes du présent. La mémoire historique est nécessaire pour pouvoir affronter le futur et nous aide à repérer ceux qui n’auraient pas de discours clair. C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il est indispensable de préserver cette continuité qui unit les générations et de lutter contre ceux qui voudraient la rompre.

Nous ne pouvons pas confondre la lutte mémorialiste avec le travail historiographique. La lutte pour le devoir de mémoire tire son essence de l’engagement citoyen pour les valeurs démocratiques républicaines qui appartiennent aux seuls citoyens et non aux partis quels qu’ils soient. Il s’agit d’une action citoyenne responsable.

Le travail historiographique en revanche est une manifestation de science sociale qui cherche à clarifier certains faits du passé la recherche de leur signification utilisant pour ce faire une approche et des techniques scientifiques. Mais le travail de mémoire est lié au travail historiographique. Il nous faut avant tout savoir ce qui s’est passé et pourquoi. Il est même essentiel de savoir pourquoi on a menti ou volontairement dissimulé des faits quels qu’ils soient. Nous devons affronter les faits tels qu’ils sont et pour cela a contribution des historiens est fondamentale. Il va de soi que le travail de mémoire n’est pas incompatible avec la rigueur de la recherche.

Je souhaiterai partager avec vous quelques-unes des réflexions portant sur le traitement légal des crimes perpétrés durant la dictature franquiste en Espagne.

Il y a trois points sur lesquels je souhaiterai attirer votre attention.

Tout d’abord les lois portant sur la mémoire en Espagne, ensuite la Querella argentine et enfin la réforme de la justice universelle.

La loi de la mémoire promulguée sous l’administration socialiste de Rodriguez Zapatero a considéré ces problèmes sous un angle tout à fait particulier d’une part elle ne considérait pas illégale le régime franquiste d’autre part elle continuait à considérer comme étant légaux les tribunaux militaires et les sentences par eux prononcées. Les victimes n’avaient pas même le droit de demander réparation pour les préjudices subis. Il ne s’agit pas ici d’une opinion personnelle mais d’un fait avéré.

Nous appelons Querella argentine le procès mené en Argentine par les victimes du franquisme qui se sont vues dans l’impossibilité d’engager une procédure en Espagne. Ce procès a entraîné plusieurs demandes d’extradition notamment à l’encontre de la police politique du régime. Toutes les demandes ont été rejetées. Quelle fut la cause de ces rejets ? le fait d’avoir appartenu à la brigade politico sociale la police politique du régime, n’est pas aujourd’hui considéré en Espagne comme étant un délit. Le régime franquiste est considéré comme légal et il existe une continuité ainsi qui concerne certains aspects fondamentaux pour lesquels en premier lieu la façon dont sont considérées les victimes. Elles étaient coupables aux yeux des lois anti démocratiques de l’époque et elles continuent de l’être pour l’état espagnol actuel.

En second lieu la loi d’amnistie de 1977 a exonéré de toute culpabilité politique les prisonniers alors détenus mais surtout l’ensemble du régime lui-même et ses fonctionnaires. Cette loi permet d’expliquer pourquoi les demandes d’extradition n’ont pas abouties, c’est un fait avéré aussi.

Récemment le gouvernement du parti populaire a obtenu un changement dans l’approche de la justice universelle. L’Espagne a volontairement limité à sa volonté de poursuivre les crimes contre l’Humanité. L’explication politique d’un tel changement est qu’il n’était pas conforme à la procédure de juger par exemple en Espagne le président des chinois pour des crimes perpétrés au Tibet.

L’implication directe de ce changement légal a été la mise en liberté de 45 narco trafiquants détenus en application de la justice universelle. Il existe une importante polémique dans les milieux judiciaires politiques espagnols à propos de cette mesure polémique. Quelle a été la raison d’un tel changement ? Permettez-moi d’émettre ici une hypothèse : parmi les procès annulés figure celui de plusieurs officiers SS du troisième Reich présents dans les camps de concentration allemands.

Il y a trois ans on a détecté la présence aux Etats-Unis de plusieurs nazis résidant sur le territoire sous une fausse identité ils furent identifiés et ont fait l’objet de poursuites. Il a pu alors être démontré qu’ils avaient participé à la déportation et à l’extermination de 7000 espagnols et ils furent traduits en justice. Durant les derniers deux mois cour des Etats unis a attendu une demande d’extradition du gouvernement espagnol qui n’est jamais arrivée. Ce changement légal va empêcher qu’ait lieu le procès. Quelles en sont les raisons ? j’ose ici affirmer que le changement de cadre légal n’a pas été provoqué par le précédent chinois mais par la ligne de défense des anciens nazis.

Le gouvernement de Franco a retiré la nationalité espagnole aux déportés. Les avocats des officiers nazis avaient opposé une fois concernant le prévenu extradé à Madrid que la Cour est incompétente, les victimes n’étaient pas espagnoles ! car c’est ce que le gouvernement de l’époque avait déclaré. Le Ministère public et les tribunaux espagnols devraient prendre position sur le sujet et déclarer si ils reconnaissaient ou pas une illégitimité à la loi franquiste.

Sincèrement je pense, nous pensons que cela est la cause de ce changement de cadre légal. Ils refusent de prendre cette décision. J’ai préparé un article dans lequel ces sujets sont développés et plus avant. Mon intention aujourd’hui était d’exposer quelques cas des contradictions auxquelles nous nous opposons en Espagne autour de ces sujets. Je crois que je peux d’ores et déjà tirer une conclusion que je vais partager avec vous. En Espagne la mémoire n’est pas un problème historiographique ‘est bien un problème politique. Je reste à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci de votre attention.

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