D’un camp de concentration français à un camp nazi d’extermination par le travail
A l’occasion du 80e anniversaire de la libération du camp de Mauthausen, deux associations charentaises se sont réunies pour traduire en français et publier les témoignages d’une trentaine de rescapés du convoi des 927. Témoignages à paraître prochainement dans un livre dont les textes ont été produits par l’association APFEEF, amie de la Coordination Caminar, et édités par l’association « La Guillotine ».
Un livre pour la Mémoire
« Pour que les voix des réfugiés espagnols déportés d’Angoulême à Mauthausen en 1940 soient enfin entendues en langue française. »
Appel à préinscription sur HelloAsso
« Pour faciliter sa sortie, nous lançons un financement participatif sous forme de précommande. Cliquer ci-dessous pour participer solidairement à la publication de cette enquête inédite en langue française qui redonne voix à des hommes et des femmes trop peu entendues. »
La Guillotine, les éditions qui tranchent
Retour sur une histoire peu connue
A la suite de la Retirada, des Républicains espagnols sont conduits par les autorités françaises en pays charentais. Rappelons que fin janvier et début février 1939, ces mêmes autorités, qui n’ont su ou voulu rien prévoir face à l’afflux de plus de 450 000 personnes, improvisent, dans l’urgence, l’installation chaotique de camps qualifiés de « concentration » par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Albert Sarraut.
Ces premiers camps sont proches de la frontière espagnole (Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Le Boulou…). Dès la fin janvier, des femmes, des enfants et une partie des vieillards et des blessés sont acheminés vers l’intérieur du pays.
Le 31 janvier, un premier convoi arrive en Charente. Il est suivi par trois autres jusqu’au 12 février. Le 13 février, le département compte plus de 4 000 réfugiés espagnols. Ils sont répartis en divers lieux, à Angoulême ou dans les environs, dont près de 2 000 à Ruelle, au nord-est d’Angoulême. Ces derniers sont déplacés, en juillet 1939, vers le camp des Alliers, au sud de la préfecture angoumoisine.
Pour diverses raisons, en avril 1940, la population du camp des Alliers est ramenée à environ 800 personnes. Mai à partir de la débâcle de mai-juin 1940, l’effectif du camp remonte pour atteindre 1 500 réfugiés à la fin du mois de juillet.
Des actes de sabotages, comme celui de la voie ferrée Paris-Bordeaux, sont commis dans la région d’Angoulême. Sabotages, que les autorités allemandes et françaises ne tardent pas à imputer, à tort ou à raison, aux Espagnols. Le 20 août 1940, les nazis organisent le premier convoi de déportation à partir de la France et en direction du camp d’extermination par le travail de Mauthausen.
Traduction de la présentation du documentaire de Montse Armengou et Ricard Belis
« Août 1940. Les troupes hitlériennes venaient de couper la France en deux lorsqu’un train transportant 927 réfugiés espagnols quitta la gare d’Angoulême. Les passagers se croyaient conduits en zone libre. Ils comprirent rapidement qu’ils se dirigeaient vers le nord. Quatre jours plus tard, ils arrivaient à Mauthausen, en Autriche annexée. Le nom d’un lieu qui allait devenir l’un des symboles de l’extermination ne les concernait pas. 470 personnes furent emprisonnées à Mauthausen. Parmi elles, 409 moururent. « Le Convoi des 927 » personnes contient les témoignages d’une trentaine de survivants, ceux qui finirent dans le camp de concentration comme ceux qui retournèrent en Espagne, ainsi que des réfugiés qui ne purent jamais prendre le train d’Angoulême. Les Espagnols furent les premiers à arriver à Mauthausen. On pourrait même dire qu’ils l’ont construit. Ils furent aussi les premiers à subir les conséquences de la barbarie nazie. À une époque où ni Juifs ni Russes n’étaient encore arrivés pour subir leur folie exterminatrice, ce convoi fut le premier train de déportés d’Europe occidentale, chargé de familles entières destinées à un camp d’extermination nazi. Population civile, réfugiés à l’état pur, ils seraient considérés comme apatrides lorsque Ramón Serrano Suñer, ministre des Affaires étrangères de Franco, décidera de les ignorer.
Pour ce documentaire, tourné en France, en Autriche et en Espagne, Montse Armengou et Ricard Belis ont consulté et exploité des fonds documentaires provenant de 21 archives espagnoles, européennes et nord-américaines. »

