Toulouse, ville rose et capitale de l’exil républicain espagnol : ses briques expliquent la couleur mais quelles raisons pour l’autre appellation ?
Ce n’est pas Toulouse ni même la Haute-Garonne qui reçoivent le nombre le plus important de réfugiés républicains espagnols au lendemain de la Retirada, vu les règlementations françaises sur leur internement. Après la seconde guerre mondiale, les réfugiés républicains espagnols sont moins nombreux à Toulouse qu’en région parisienne. Cependant, encore aujourd’hui, Toulouse reste identifiée comme la capitale de l’exil républicain espagnol. En quoi est-ce justifié ?
Toulouse capitale de l’exil républicain espagnol après la Retirada ?
Les milliers de civils et miliciens espagnols qui début 39 entrent en France sont dirigés vers les camps des Pyrénées Orientales ou, comme les premiers réfugiés de 1936 et 1937, dispersés dans les départements du nord de la Garonne, internés, encadrés, surveillés. La Haute-Garonne n’est qu’un département de transit avec quelques refuges et asiles provisoires comme à Toulouse, sur le Cours Dillon et aux portes de la ville à Portet-sur-Garonne, le quartier du Récébédou transformé en cité d’urgence. Ce n’est qu’en 1941 que le Récébédou sera transformé en camp d’internement accueillant des malades et que sera créé le «camp hôpital» de Noé à 35km. (Des républicains espagnols rescapés de Mauthausen s’installeront dans des baraquements du Récébédou, colonie baptisée alors «Villa Don Quichotte»).
Image : Le Camp du Récébédou durant la seconde guerre mondiale Photo CMM.
Après avril 1939, dix Compagnies de Travailleurs Etrangers sont mises à la disposition des industries de guerre de Toulouse pour l’aéronautique : Breguet, Dewoitine, Latécoère, et pour l’armement : la Poudrerie Nationale de Toulouse, celle du Fauga à une trentaine de kilomètres. D’autres ouvriers sont directement recrutés dans les camps par les employeurs toulousains. La plupart d’entre eux vivent alors en ville, souvent regroupés pour partager les frais d’hébergement. Mais au 31 décembre 1939, si on dénombre 180000 réfugiés espagnols pour l’ensemble de la France, on en compte environ 7500 à Toulouse soit 4% seulement: peu pour un titre de capitale de l’exil républicain espagnol!
1939-1945, Toulouse base d’appui et de repli
Pendant la seconde guerre mondiale, les exilés espagnols même encadrés et surveillés s’organisent: propagande, réseaux clandestins, de solidarité, groupes de résistants et guérilleros dans les maquis, relations avec les services secrets alliés et réseaux de passage des Pyrénées, comme celui de Francisco Ponzán, arrêté à Toulouse en 1943 et abattu par les Allemands le 17 août 44, deux jours avant la libération de la ville.
En effet, et spécialement après l’occupation allemande de la zone libre, pour tous ceux qui n’ont pas renoncé à la lutte contre le fascisme, la proximité avec l’Espagne fait de Toulouse une base de repli privilégiée.
On y trouve aussi le Cartel suisse de secours aux enfants victimes de la guerre, la Croix Rouge Républicaine Espagnole, le Spanish Refugee Aid.
En septembre 44, dans un château situé rue Varsovie, est créé «El hospital Varsovia» par l’AGE-FFI locale. Des médecins et infirmiers espagnols bénévoles soignent les blessés des unités de guérilleros ou de l’expédition manquée du Val d’Aran. Il fonctionnera ainsi, grâce à la solidarité internationale, jusqu’en 1950.
Image : El hospital Varsovia.
La reconstitution politique d’après-guerre
Capitale de l’exil républicain espagnol : rivalité entre Paris et Toulouse ?
Dès septembre 44, dans la salle du Sénéchal se tient à Toulouse le premier congrès en exil du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol). Beaucoup suivront. Les socialistes installent leur siège rue du Taur. En novembre 44, le syndicat UGT s’y réorganise. Raymond Badiou, maire SFIO de la ville de 1944 à 1958, apporte son soutien depuis le Capitole.
Image : Plaque Rue du Taur.
Le 4 rue Belfort sera le siège dès août 1945, de la direction du MLE-CNT (Mouvement Libertaire Espagnol-Confédération Nationale du Travail), des jeunes de la FIJL (Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires.), de SIA, puis du Secrétariat intercontinental de la CNT.
Image : 4 Rue de Belfort
En 1945 est fondé le «Casal Català» de Toulouse.
Avec la liberté retrouvée, les exilés espagnols profitent de cette mobilité pour se rapprocher de l’Espagne, de leurs réseaux de solidarité familiaux, régionaux ou idéologiques.
Mais c’est à Paris en 1946, que le gouvernement en exil, les représentants de la Généralité de Catalogne et du gouvernement basque s’installent. Les organisations communistes quittent Toulouse pour Paris en 1946. Le PSOE et la CNT ont leurs sièges à Toulouse mais s’implantent aussi à Paris.
La presse espagnole en exil est florissante ; c’est Paris qui publie le plus grand nombre de titres mais c’est à Toulouse que sont imprimés de nombreux journaux comme «CNT», «El socialista», «Ruta», «Mundo Obrero».
En 1946, la Haute-Garonne compte un peu moins d’espagnols que l’Hérault, les Pyrénées Orientales, l’Aude, la Gironde ou la Seine qui en comptent plus de 20000 chacun.
Cependant, plus proche des Pyrénées, Toulouse reste de 1946 à 1960 une base de commandement d’attentats, sabotages, coups de mains perpétrés en Espagne pour ébranler le régime franquiste. Des manifestations puissantes de solidarité avec les persécutés de la dictature rythmeront longtemps la vie des Toulousains.
La politique et la culture toujours
A côté de nombreuses activités politiques (congrès, meetings, plénums, commémorations à la Halle aux Grains par exemple), les réfugiés espagnols de Toulouse dont une majorité est d’idéologie anarchiste, animent des espaces de vie culturelle et artistique : troupes de théâtre au Ciné Espoir rue du Taur, fêtes, conférences, création de «El Ateneo Español» en 1959 rue de l’Etoile. En 1947 la CNT, SIA et MLE organisent ici la première exposition intitulée «L’art espagnol en exil». Elle rassemble des œuvres de Picasso ou Juan Gris, mais aussi de plusieurs artistes locaux: Antonio Alos, Hilario Brugarolas, Call, Camps-Vicens, Francisco Forcadell-Prat.
Petit à petit, l’intégration dans la ville d’accueil se fait mais l’empreinte hispanique va rester.
Aujourd’hui, plusieurs associations font vivre la mémoire de cet exil. La ville elle-même n’en garde que quelques traces visibles : plaques, noms de rues, la tombe de Federica Montseny au cimetière de Rapas, une fresque sous les arcades Place du Capitole,
Image : Fresque de la ‘Galerue’ du Capitole par le peintre Raymond Moretti.
Image : Monument à l’exil de Joan Jordà.
le monument à l’exil républicain espagnol de Joan Jordà dans le jardin Claude Nougaro. Mais, …Ô Toulouse, est-ce l’Espagne en toi…? …les festivals «Cinespaña», «Flamenco» et «Toulouse l’espagnole» font toujours le plein…
Alors, Toulouse, capitale de l’exil républicain espagnol ? Bien sûr !
Image : Toulouse l’Espagnole
Carmela Pizarroso
IRIS-Mémoires d’Espagne
Bonjour, il y a quelques années nous avons fait une petite rencontre à IRIS pour un projet d’installation d’une sculpture monumentale sur le thème: “Toulouse capitale de l’exil républicain”, que je devais réaliser .
Nous avons rencontré, pour cela, à la Mairie de Toulouse un élu qui nous a donné le feu vert concernant l’emplacement et l’aide des services techniques pour son l’installation sur le “Quai de l’exil”, précisant que la Mairie ne prendrait pas en charge sa réalisation. (C’était sous la municipalité précédente de Mr Cohen).
Ne pourrions nous pas relancer le projet?
Bien cordialement, Michel Batlle