Le 14 avril 1931 est une date importante pour les Républicains espagnols. C’est ce jour-là que fut proclamée la IIe République espagnole, à la suite du vote exprimé par le peuple lors des élections municipales du 12 avril, et après la fuite à l’étranger du roi d’Espagne. A cette occasion, de nombreuses associations mémorielles rendent hommage à cet événement. Nous commençons par publier celui de TML-Oloron.
Commémoration du 92ème anniversaire de l’avènement de la Seconde République en Espagne
Notre association comme chaque année rend hommage aux défenseurs de la Seconde République espagnole qui ont souffert au camp de Gurs ou qui sont morts lors du massacre du 17 juillet 1944 à Buziet et Buzy.
Ce 14 avril 2023 nous avons eu la chance de recevoir 75 élèves et 4 professeurs du Lycée Pilar Lorengar de Zaragoza pour une visite au camp de Gurs, nous espérons leur avoir transmis toutes les valeurs de cette République et c’est avec beaucoup d’émotion que les élèves et leurs professeurs ont déposé une gerbe au monument des républicains et brigadistes internationaux du cimetière du camp.
La veille nous avions déposé une gerbe sur la tombe des guérilléros à Buziet.
Notre traditionnelle cérémonie au fortin de la zone des républicains à Oloron a été quelque peu perturbée par la météo locale. Malgré cela une trentaine de personne y a participé.
Nous remercions nos fidèles associations amies pour leur participation :
- la chorale « L’Espace à Chanter » qui nous a interprété l’Hymne de Riego et Canto a la Libertad de Labordeta
- l’association « Livres sans Frontière » Dont les membres ont lu trois textes émouvants d’Antonio Machado (Cantares, mort de Federico) et Liberté de Maram al-Masri Née en Syrie en 1962, exilée à Paris.
Sami Bourri adjoint au Maire a excusé Bernard Uthurry Maire d’Oloron puis a pris la parole pour souligner l’attachement de la commune dans sa tradition d’accueil qui perdure en ces temps durs, l’enrichissement social culturel et politique apporté par les républicains espagnols au territoire du Haut Béarn. L’attachement également à toutes celles et ceux (dont nous sommes) qui participent à faire vivre cette mémoire républicaine ainsi qu’à la défense des droits humains.
La cérémonie avait commencé par la prise de parole de notre Présidente dont voilà la retransmission :
À la veille de l’avènement de la Seconde République en 1931, l’Espagne compte 24 millions d’habitants dont près de la moitié d’illettrés, 8 millions de pauvres, 2 millions de paysans sans terre, alors que 20 000 personnes détiennent la moitié du pays.
C’est un pays qui se caractérise par un grand archaïsme agricole, une très grande inégalité des propriétés, peu de mécanisation et un chômage endémique.
Les différentes misères du monde de la campagne ont fourni une immigration des provinces du sud vers l’Afrique du Nord.
Les villes voient affluer en masse des populations qui ne peuvent trouver du travail, la misère est immense.
L’industrialisation des Asturies du Pays Basque et de la Catalogne ne peut absorber toute cette main-d’œuvre.
Les classes dirigeantes ont conservé une mentalité seigneuriale et aristocratique rétives à tout changement des mentalités.
L’autre facteur incontournable des années d’avant la République réside dans la position particulière de l’armée qui organisera le coup d’État du 18 juillet 1936. les généraux que l’on appelait « les Africanistes » comme Franco, Mola et Milan Astray considéraient qu’ils avaient à jouer un rôle politique. Cette armée qui comptait un surnombre d’officiers était intervenue plusieurs fois comme appui au régime.
Le 12 décembre 1930, un soulèvement est mené par un groupe de militaires républicains. La proclamation de la République se fait depuis le balcon de la mairie de Jaca, en Aragon, avec la nomination du premier conseil municipal républicain afin de démontrer publiquement son caractère civil.
Le soulèvement est malheureusement déjoué et ses principaux instigateurs, les capitaines Fermín Galán et Ángel García Hernández, sont fusillés.
Malgré son échec, il contribue toutefois à affermir dans la population l’idée d’une République, qui sera proclamée seulement quatre mois plus tard.
C’est donc par les urnes, à l’issue d’élections municipales d’où les Partis républicains sortent majoritaires et suite à la fuite du roi Alphonse XIII hors du pays que le 14 avril 1931 la République est proclamée en Espagne.
La Deuxième République réalise des réformes importantes et innovantes en matière de citoyenneté, d’éducation, de culture, de santé, de législation du travail, de droits des femmes.
Pour des millions de pauvres, d’analphabètes, de “jornaleros, pour les prolétaires des villes, pour les femmes réduites à un statut d’éternelles mineures, la République, c’est l’espoir qui se lève. La terre, enfin, à ceux qui la travaillent.
Ce devait être la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage et la patrie, ses malheurs et ses désastres.
L’expérience démocratique L’enseignement gratuit, le féminisme, la séparation de l’église et de l’état, l’internationalisme, les droits inaliénables du peuple : le plein exercice de ses facultés et de ses aptitudes, comme homme, citoyen et travailleur la garantie absolue de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et de la liberté du travail ; telles sont les valeurs Républicaines fondamentales qui sont défendues.
Mais toutes ces belles idées dérangent elles sont insupportables pour l’oligarchie, l’église, les grands propriétaires, la hiérarchie militaire, etc.
Le coup d’État de juillet 1936 provoque l’effondrement de l’État républicain. L’Espagne devient le lieu d’affrontement des grandes puissances et le terrain de manœuvre des grandes armées européennes.
Ce conflit est une préparation de la Seconde Guerre mondiale. Il permit de jauger les rapports de force européens (attentisme des démocraties française et britannique, engagement de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie, tout comme de l’Union soviétique).
La période qui a suivi la guerre civile espagnole de 1936-1939 est une période de pauvreté, de faim, de misère et de représailles, d’Exil, contre les républicains vaincus.
La dictature militaire née de la guerre reste marquée pendant des années par ses alliances, même si elle ne participe pas directement à la conflagration mondiale.
40 années de dictature commencent en Espagne.
Il a fallu la mort du dictateur en 1975 pour qu’une forme de démocratie revienne en Espagne, malheureusement la monarchie est instaurée.
Aujourd’hui encore malgré les lois de mémoire, une grande partie des Espagnols attend Vérité, Justice et Réparation.
Célébrer le 14 avril n’est pas une démarche mémorielle nostalgique mais bien au contraire militante vers l’avènement d’une Espagne plurielle et républicaine, l’Espagne de tous les espagnols.
Célébrer le 14 avril aujourd’hui c’est célébrer et défendre toutes les valeurs républicaines, les valeurs démocratiques.
La démocratie est fragile, il faut être prudent face à la montée des extrêmes-droites.
“Les hommes et les femmes de cette époque ont des choses à nous dire par-delà le temps. Toutes les réflexions qu’ils ont menées sur tellement de sujets restent d’actualité : la place des femmes, la démocratie, l’art, la culture, le travail, le partage des tâches etc…”
Cela résonne aujourd’hui à un moment où il y a un peu moins de confiance dans le personnel politique, alors que les promesses ne sont pas tenues et que le peuple en colère n’est plus entendu, que les lois sont instaurées de façon autoritaire”.
Restons vigilants.
Mylène Lacoste, Présidente de TML
¡Viva la República!
Bravo et merci pour votre rappel historique.
Sur les enjeux de la loi de mémoire démocratique, un commentaire a accompagné la projection du film Les repentis de Icíar Bollain, projeté à Orsay par notre association Les espagnols de la vallée de Chevreuse. Je pourrais vous l’adresser si ça vous intéresse.
Bien fraternellement
Rosa Maria