LE ROI PARLE MAIS LES PEUPLES FONT L’’HISTOIRE

Etre roi ou comment tirer avantage de ses fonctions

La couronne n’’implique pas, pour celui qui la porte, que le désagrément d’’être affublé d’’un nom ridicule : elle emporte quelques avantages. Le roi Felipe VI nous en donne un exemple en se servant de ses fonctions pour défendre les intérêts des siens, comme son père avant lui avait choisi le moment opportun pour transférer ce petit bien de famille à son fils.

Du roi potiche au chef de meute

Selon l’’article 56 de la constitution espagnole, le roi est le symbole de l’’unité et de la permanence de l’’Etat ; il est l’’arbitre et le modérateur du fonctionnement régulier de ses institutions. Tout symbole qu’’il est, il n’’entre pas dans les attributions de Felipe VI de tenir l’’estrade médiatique pour y délivrer un discours partisan. De l’’unité et de la permanence de l’’Etat, il n’’est que le symbole, …non le porte-parole ou l’’avocat ! Quant à sa science héréditaire de l’’arbitrage, elle ne trouverait à s’’appliquer que si les institutions de l’’Etat dysfonctionnaient ; or le roi semble satisfait de son gouvernement, de sa justice et sans doute de l’’action de ses forces de l’’ordre. …Quand à la modération du fonctionnement des institutions, il paraît douteux que son discours en soit le prélude. Depuis qu’’ils ont délaissé leurs fariboles tenant au prétendu « droit divin », les monarchistes expliquent doctement que le roi, en observant une totale neutralité politique, est le gage de la coexistence pacifique. S’’il ne fait rien, ce n’’est nullement parce que c’’est un fainéant congénital : non, c’’est une sorte de rein géant qui filtre les passions du pays pour assurer le bon fonctionnement du corps social.

Or voici que prenant le contre pied de cette doctrine, Felipe VI sort de sa réserve pour tancer vertement les indépendantistes catalans et flécher à son gouvernement la voie de l’’usage de l’’article 155 de la constitution en vue d’’une mise sous coupe réglée de la Catalogne. En revanche pas un mot de compassion pour les victimes des violences policières du 1er octobre. Pas un mot sur le droit des peuples de déterminer leur sort. Aucune invitation au dialogue, à la médiation, ou à l’organisation d’’un quelconque scrutin…Il est vrai que Felipe VI et sa famille, ont fort à perdre dans l’’indépendance de la Catalogne, comme dans toute initiative de révision de la constitution.

Leçon de démocratie

Il y a des leçons qui ne passent pas. Celle d’’un roi quant à la démocratie en est une. Si Felipe VI est si attaché qu’’il le prétend à la démocratie, il ne verra aucun inconvénient à démissionner de ses fonctions et à militer pour l’’élection du chef de l’’Etat. Manifestement le roi qui a hérité de sa couronne et du super pactole qui l’’accompagne, n’’a pas l’’intention d’’y renoncer : ce pour le bien des Espagnols bien sûr ! Voyez-vous les Espagnols sont peu instruits et passionnés : ils peuvent certes voter pour élire leurs députés, mais non le symbole de « l’’unité et de la permanence de l’’Etat ». Pour cela, fort heureusement le pays dispose d’’une famille qui, génération après génération, s’’est spécialisée dans cette activité. Une sorte de PME familiale qui a modestement prospéré par son labeur.

Le roi, chantre de la solidarité

Non content de donner des leçons de démocratie, le roi s’’insurge contre l’’atteinte portée par les indépendantistes à la solidarité qui lierait les Espagnols. Diantre, Felipe VI aurait-il fait son coming out ? Serait-il devenu gauchiste ? Finies les chasses en Afrique, finis les jets et les bateaux de luxe, les palais aux frais des contribuables, Felipe VI renonce à ses privilèges pour partager ses richesses avec le peuple espagnol ! Le christ partageant le pain. Non, c’’est une blague, il garde tout : la solidarité, c’’est pour les autres. Après tout il accomplit une tâche harassante – et fort méconnue tant il paraît difficile d’’en établir une fiche de poste : celle d’’être un symbole vivant. Sa rémunération étant bien méritée, comme celle de ses proches et auparavant celle de ses aïeux, ils conservent leurs richesses. N’’ayons pas mauvais esprit. Sans doute le fait d’’être un symbole induit-il la nécessité d’’échapper à toute contingence matérielle ; l’’incarnation d’’un concept ne peut déchoir à partager.

Roi du silence

Le roi a tout même affirmé à ses sujets qu’’ils pouvaient être orgueilleux de ce qu’’ils sont. Des esprits chagrins pourraient objecter que l’’on ne peut être fier de ce que l’’on est, mais de ce que l’’on a accompli. Quoi qu’’il en soit une petite flatterie ne coûte rien à la couronne et fait plaisir à ses partisans. Mobiliser les nationalistes (il y en a bien entendu aussi chez les indépendantistes), peut servir au roi à maintenir ses petits privilèges. Tant pis s’’il jette de l’’huile sur le feu, l’’important est qu’’il le fasse avec style, et d’’un ton solennel. Le roi a certes parlé, mais comme aurait pu le dire son père, je me demande « porqué no te callas » ?

David LLAMAS

MER 47

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