Les deux contributions de l’association MHRE89 pour commémorer ce 14 avril sont consacrées à la Femme et la République espagnole. Dans ce premier article, MHRE89 décrit le processus par lequel les femmes sont enfin reconnues par la IIe République comme des citoyennes à part entière.
Les femmes espagnoles et la République
A la fin du 19ème siècle, la société espagnole était conservatrice, patriarcale et misogyne
Les femmes ne pouvaient avoir qu’un rôle passif et discriminé, leur place dans la société était celle d’épouse et de mère, toujours dépendante de l’homme, du père ou du mari. Les femmes étaient exclusivement chargées des tâches domestiques et la plupart d’entre elles étaient des ouvrières ou des paysannes.
Leur émancipation sera un très long processus
Les premières organisations féministes en Espagne sont créées à la fin du XIXe siècle.
Parmi celles-ci se trouvent :
- la Sociedad Autónoma de Mujeres de Barcelone crée en 1897 qui cède la place à la SociedadProgresivaFemenina.
- l’Asociación General Femenina de Valencia et la Fédération des sociétés de résistance, à Malaga, en Andalousie sont créés la même année.
- le 10 juillet 1910 dans les rues de Barcelone la première manifestation menée par desfemmes enEspagne,réclamedes droitspolitiquespourles femmes.
- En 1918 est officiellement née l’Association nationale des femmes espagnoles (ANME), une association suffragiste qui défend, entre autres, la réforme du Code civil, l’éducation des filles et le droit des femmes à exercer des professions libérales.
- Au sein des partis politiques et des syndicats, les militantes continuent à affirmer fortement les droits des ouvrières. Virginia González Polo, membre du PSOE et première femme dirigeante d’un syndicat, l’UGT.
- Parallèlement, les artistes se mobilisent au sein du groupe des LasSinsombrero, Las Sinsombrero (les sans chapeau) provoquent la société bien-pensante de l’époque, et montrent à tous qu’elles sont libres, en enlevant leur chapeau pour traverser la place de la Puerta del Sol, en plein cœur de Madrid…
Une première étape
Le 12 Avril 1924, pendant la dictature de Primo de Rivera, le vote est accordé aux femmes dans certaines conditions : seules les femmes célibataires, veuves ou divorcées de plus de 23 ans sont autorisées à voter. Les femmes mariées et les prostituées étaient exclues.
Cependant, ce droit ne sera jamais appliqué.
L’Histoire a « oublié » ce long combat des femmes pour l’égalité
La 2e République les reconnait enfin comme des citoyennes à part entière et les émancipe
La Constitution de 1931 et les nouvelles lois adoptées vont changer radicalement la situation des femmes, elles vont leur donner des droits et les mettre sur un pied d’égalité avec les hommes.
Ce qui va changer :
- le droit de vote
Lors des élections générales espagnoles de 1931, Clara Campoamor (du Parti républicain radical), Margarita Nelken (du Parti socialiste ouvrier espagnol) et Victoria Kent de la Gauche républicaine deviennent les premières femmes à occuper un siège au Congrès des députés.
- les droits des femmes sont aussi reconnus dans la famille et dans le mariage
- le mariage civil est institué
- le droit des femmes d’avoir l’autorité parentale sur les enfants est reconnu.
- le crime d’adultère appliqué uniquement aux femmes est aboli.
- le divorce par consentement mutuel est légalement autorisé.
- L’emploi des femmes dans la fonction publique est normalisé, elles accèdent également aux carrières de greffiers, de notaires et peuvent exercer les métiers juridiques, malgré ces avancées elles sont toujours exclues des activités militaires.
- L’éducation est aussi une des priorités de la 2e République.
- Les écoles et l’enseignement mixte deviennent la règle.
- Les matières domestiques et religieuses sont abolies.
- De plus, des cours du soir sont mis en place afin de réduire l’analphabétisme chez les femmes.
Il est important de souligner que les femmes vont aussi prendre part au débat politique :
- Neuf d’entre elles vont être élues députées aux cortès durant la période de la IIe République.
- Parmi ces femmes politiques, il convient aussi de citer Federica Montseny, ministre de la Santé.
- En 1932, la journaliste María Domínguez est la première maire élue démocratiquement en Aragon (elle sera assassinée par les franquistes en 1936).
Par leur engagement dans la République et leurs luttes, les femmes espagnoles vont obtenir d’autres avancées :
- Dans les organisations professionnelles, les femmes s’organisent, comme la militante Aurora Picornell qui fonde en 1931 le syndicat des couturières à Majorque (elle sera fusillée plus tard par les franquistes).
- En 1933, le Comité de Mujeres Contra la Guerra, la Agrupación Socialista Femenina et la Comisión Femenina del Frente Popular sont créés à partir du Comité mondial contre la guerre et le fascisme.
- En avril 1936, la journaliste Lucía Sánchez Saornil, l’avocate Mercedes Comaposada Guillén et la doctoresse Amparo Poch fondent l’organisation féminine libertaire « Mujeres Libres » qui lutte contre la prostitution et veut mettre fin au « triple esclavage des femmes : l’ignorance, le capital et les hommes ».
- Dans la presse, en cette même année 1936, la journaliste María Luz Morales devient la première femme en Espagne à diriger un quotidien national, La Vanguardia de Barcelone.
Ces conquêtes sociétales vont profondément modifier la place des femmes dans la société espagnole et expliquer leur attachement à la République.
En effet, la IIe République a permis l’émancipation des femmes espagnoles comme nulle part ailleurs mais la dictature franquiste va à nouveau les enfermer dans un rôle de femmes soumises et dépendantes d’un système patriarcal et misogyne.
Je vous engage à jeter un œil aux 20 principes, de la phalange, à ne pas oublier par les femmes.
Il faudra attendre la mort de Franco et la fin de la dictature pour que les femmes espagnoles soient de nouveaux intégrées dans la société.
Texte largement inspiré de celui de Marie-Ange González publié par MER47