Republique espagnole

14 avril 1931 – Proclamation de la IIe République espagnole

Déclaration du Président David Llamas

Il y a 90 ans, le 14 avril 1931, était proclamée la deuxième République espagnole. Cette République est née pacifiquement, des suites d’une élection qui a vu dans les grandes villes du pays, le triomphe des listes menées par les candidats républicains. Alphonse XIII, le monarque alors sur le trône, sentant ses soutiens vaciller face à la vague libérale, quitta le pays.

Vidéo de la déclaration du Président

Suite du texte de la déclaration

La naissance de la République fut saluée par une explosion de joie. Le peuple espagnol, désormais constitué, non plus de sujets mais de citoyens, descendit dans la rue fêtant la reconquête de l’espace public, célébrant sa souveraineté naissante et la prise en mains de sa destinée.

Alors que le pays souffrait en comparaison de ses voisins européens, d’un retard manifeste de développement, la République porta de profondes réformes.

Elle autorisa le vote des femmes ; il eut lieu pour la première fois en 1933.

Une femme, Federica Montseny, se vit confier un portefeuille ministériel. D’autres d’espagnoles jouèrent un rôle notable vers la voie de l’émancipation féminine, notamment en accédant à des fonctions électives, ou à des professions qui leur étaient jusque-là fermées.

Le divorce fut légalisé, des milliers d’écoles créées, une réforme agraire engagée, une loi sur la décentralisation votée, la séparation de l’Eglise et de l’Etat affirmée.

L’Espagne se modernisait ; sans doute pour la première fois de son histoire, la politique menée était animée par la volonté d’extirper le peuple affamé de la misère et l’ignorance.

Le pays changeait de paradigme ; son gouvernement n’était plus guidé par la superstition de croyances ancestrales ou la domination d’une Espagne sur l’autre, mais la recherche du bien commun. Enfin éclairé par la raison, le pays sortait des ténèbres de l’obscurantisme.

La deuxième République espagnole restera en vigueur jusqu’à l’adoption de la constitution monarchiste de 1978.

Je n’ignore pas qu’à partir de juillet 1936, de fait le pouvoir était exercé d’abord sur une partie du territoire, puis sur la totalité de celui-ci à partir d’avril 1939, par un dictateur sanguinaire, porté par la force brute des extrêmes droites coalisées d’Europe, avec le soutien des milieux conservateurs et de l’Eglise.

Le conflit qui embrasa l’Espagne fut le fruit des ambitions criminelles de militaires factieux ; cette guerre ne fut pas uniquement fratricide ; prélude au deuxième conflit mondial elle fut le terrain d’affrontement d’hommes et de femmes issus de tous les continents.

La dictature franquiste, durant près de quatre décennies, soumit l’Espagne à la terreur des assassinats, des disparitions, de la privation de liberté, de l’esclavage, de la torture, des spoliations, de l’exil d’une partie de sa population, des abus sexuels, et même de l’enlèvement d’enfants.

Le pays était aux mains de malfaiteurs.

Mais un pouvoir de fait n’a pu, en droit, abroger une constitution légitime.

L’épreuve de cette brutalité, injuste, sanglante, inhumaine, plusieurs décennies durant, est ancrée dans les mémoires de nos familles de générations en générations ; elle marque notre attachement à la deuxième République espagnole.

Plus que pour les progrès qu’elle avait commencé à apporter, nous sommes attachés à cette République pour la façon dont nous en avons été privés, comme nombre de nos aïeux, ont été spoliés de leur pays.

Plus encore, nous y sommes attachés pour les efforts que ceux-ci ont consentis pour la défense des libertés qu’elle leur avait apportées, tout autant que pour les espoirs d’une vie meilleure qu’elle permettait à chacun d’entrevoir.

Notre fidélité à ce régime est d’autant plus forte que plus de 80 ans après la fin du conflit, nous continuons, plus que jamais, à brandir fièrement les couleurs tricolores de son drapeau. Ce n’est pas un mince paradoxe. Il est probable que nombre d’entre nous soient sensibles à l’internationalisme et se réclament d’être des citoyens du monde. Pourtant, alors que nous percevons sans doute mieux que quiconque les dangers du nationalisme, nous sommes les premiers à brandir le drapeau de l’Espagne républicaine.

La raison en est je crois aussi simple que complexe. La bannière aux bandes rouge, jaune et mauve, symbolise désormais, plus encore qu’à ses origines, par le poids de l’histoire et l’apport du sang versé, l’émancipation et les lumières que la République promettait.

La force symbolique de cet étendard dépasse la nation ; il est celui de la liberté, de l’égalité, de la laïcité, qui offrent à chacun et chacune sa dignité d’homme et de femme.

La coordination Caminar regroupe de nombreuses associations mémorielles, en France.

Est-il utile, depuis l’étranger, de rappeler le destin d’un pays quatre-vingt ans après la fin du conflit ?

C’est plus que jamais une œuvre nécessaire.

L’hommage rendu le 15 mars 2021 au défunt président Azaña à Montauban par le chef de l’Etat français et le président du gouvernement espagnol, en est la démonstration.

Aiguillons de la mémoire, nous nous efforçons d’éveiller les consciences.

Par leurs efforts renouvelés, nos associations, sur leurs territoires, tissent patiemment les fils du souvenir.

Ce travail est parfois ardu ; il peut par moment sembler ingrat. Ses fruits ne sont pas toujours immédiatement perceptibles. Mais il constitue une contribution indispensable aux luttes menées de part et d’autre des Pyrénées.

Ainsi nombre des associations membres de la coordination Caminar, commémorent tous les ans l’avènement de la deuxième République espagnole.

Les contraintes liées à la crise sanitaire actuelle ne doivent pas nous empêcher de célébrer cet anniversaire.

Lors de sa conférence inaugurale, notre coordination s’était interrogée sur l’avenir de la mémoire.

Incontestablement, la mémoire a de l’avenir ; elle ne se contente pas de le précéder ; elle le porte, elle l’appelle, elle prépare les conditions de sa venue.

Sans la mobilisation de nos adhérents dans nos associations, qui complète d’autres prises de paroles de descendants de républicains espagnols, les représentants de notre pays d’accueil aurait sans doute moins éprouvé la nécessité de répondre favorablement à la demande de la délégation espagnole de conférer au 26ème sommet franco-espagnol, une dimension d’hommage aux républicains espagnols.

Sans un tel cadre, le président Macron n’aurait peut-être pas eu l’occasion de reconnaître la participation en nombre des républicains espagnols dans la Résistance en France.

Continuons notre travail mémoriel ; il peut encore nous réserver de belles surprises.

Célébrons l’anniversaire de la deuxième République espagnole, elle n’a peut-être pas fini de nous prodiguer tous ses bienfaits.

David Llamas
Président de la Coordination CAMINAR

3 réflexions sur “14 avril 1931 – Proclamation de la IIe République espagnole”

  1. Ortola Marie-Sol

    Bonjour,
    J’ai écouté avec espoir le discours de David Llamas. Je dois, cependant, regretter que le drapeau qui a servi à commémorer la mémoire de Manuel Azaña ne soit pas le drapeau de la République. Une vraie transition, après la mort du dictateur, aurait dû servir à restaurer la République, seul pouvoir légitime. Or elle a permis la réhabilitation de la Monarchie et lavé les crimes du franquisme. Le drapeau monarchique posé sur la tombe d’Azaña est un coup de plus porté contre la république et tous ceux qui se sont battus pour elle, pour la justice et la démocratie. J’écris en tant que fille de républicains espagnols exilés et aujourd’hui décédés.
    Salud y república

  2. Bonjour, Même si je suis en accord avec le contenu de cette déclaration, j’aurais préféré qu’elle soit faite seulement au nom de « Caminar ». Manuel

  3. Le président s’exprime au nom de la coordination et la cite au moins deux fois, du coup, je ne vois pas où est le problème.
    Paul.

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